Juillet 2003, une après-midi de détente heureuse : à droite, Zafer, le fils de Hayri, à gauche son neveu Kısmet. Preuve manifeste que deux générations après le grand Hayri, la tradition reste fort vivante.
Zafer, né en 1966, a commencé dès l’âge de 12 ans à accompagner Hayri et Hasan dans les mariages. Il jouait alors la percussion (davul, darbuka). Puis sa route l’a conduit vers la ville, Denizli, où il accompagnait de jeunes musiciens des années 70-80, qui jouaient la musique arabesk dans les gazino, cabarets urbains. Ce style arabesk, fort décrié par les tenants de la musique officielle turque (folklore national), était à la fois une musique, et l’emblème d’un mode de vie : la musique s’apparentait à la langue commune du monde arabe méditerranéen, exporté depuis l’Egypte et son cinéma dès les années 50 ; le mode de vie était celui des migrants de l’exode rural, débarquant à Istanbul, déracinés, cultivant le pathos de l’exil, des amours impossibles et tragiques…
Zafer, après avoir vécu dans cette culture, a aussi donné quelques concerts en Europe avec son père et les anciens violonistes, car il maîtrise parfaitement les répertoires locaux ; enfin, depuis une dizaine d’années, il a choisi de vivre plutôt au village, où il continue à jouer comme musicien de noces.
Quant à Kısmet, né en 1980, il s’est mis très tôt au saz, commençant par le petit bağlama ; puis il est devenu un virtuose du synthétiseur, qu’il joue dans les mariages au côté de son oncle, ou en indépendant. Depuis 2006 il s’est également mis au violon, pour prendre la relève de son voisin Hasan, qu’il a entendu et observé durant toute sa jeunesse ; il étudie également le style d’Akkulak d’après les enregistrements et les vidéos : mais la musique ne lui donne pas assez de moyens pour vivre et subvenir aux besoins de sa famille, à l’éducation de ses enfants. Aussi doit-il trouver des emplois divers, parallèlement aux fêtes de mariage.
Consécration pour ce jeune instrumentiste doué : il est monté sur la scène pour la première fois en janvier 2007, à Istanbul, Ankara et Izmir, accompagnant au violon son oncle et son grand’père, à l’occasion de la sortie d’un CD paru chez Kalan Müzik. Hasan venait de mourir, et Kısmet devenait ainsi “officiellement” l’héritier de cet art du violon en voie d’extinction… Deux ans plus tard, il donnait un concert à Paris avec son oncle et son grand’père…