Un livre

YAYLA, musique et musiciens de villages en Turquie méridionale

Paris, Geuthner, 2011

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Page d’Errata

Compte-rendu de Marc Chemillier dans la revue L’homme : « La machine aksak et les fascinantes formules asymétriques du petit luth de Turquie », L’Homme, 211, 2014, p. 129-140)

Compte-rendu d’Ariane Zévaco dans les Cahiers d’ethnomusicologie, 26, 2013, p. 279-282

4è de couverture :

Les Yayla sont les estives où les yörük, nomades et semi-nomades turkmènes, mènent leurs troupeaux au mois de mai, dans de longues transhumances ; et c’est plus souvent, désormais, le lieu où ces nomades ont fini par se sédentariser. Ainsi, au sud-ouest de la Turquie, non loin de la Méditerranée, dans quelques yayla du Taurus occidental, des musiciens répètent à l’envi de petites musiques formulaires pour inciter des parents ou amis à danser. Ceux-ci enchaînent les figures bras levés, en tournoyant, sur un cycle de quatre pas, dont un suspendu. La musique du lieu révèle son charme discret, mais irrésistible : une métrique boiteuse omniprésente, des mélodies dont l’ambitus ne dépasse guère une sixte, et qu’il est difficile au premier abord de distinguer entre elles, tant les lois combinatoires de leur formation sont subtiles. Ainsi ces anciens nomades suspendent-ils le temps, en l’enfermant dans le cercle de la répétition, de la ritournelle.
L’ethnomusicologue, venu là d’abord pour apprendre les secrets du bağlama, petit luth emblématique de cette société, y rencontre l’amitié indéfectible des maîtres de musique, derniers témoins de la vie pastorale d’antan. Ensemble ils interrogent le devenir et les mutations de cette société, depuis le passé préservé dans les mémoires, jusqu’au présent ethnographique ; en s’immergeant dans le temps vécu, en épousant ses rythmes, l’ethnomusicologue apprend à capter les vibrations et les intensités qui traversent ce territoire, à en saisir les enjeux esthétiques et politiques.
La monographie qui en résulte part de ce petit pays de danseurs, de ses conceptions musicales, de ses habitus, en explorant les concepts de rythme, de territoire, de minorité, en interrogeant la nature profonde de ce monde rural qui reste fort peu étudié par l’anthropologie, et propose une « géomusicologie » : car la musique est ici non seulement objet d’étude, mais aussi trait d’union entre un paysage et les hommes qui l’habitent.

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AMIS ET LIENS

Ce site et ces pages sont dédiés à l’amitié autant qu’à la musique et à l’esprit des lieux, ou au discours savant… Il n’est pas question de renvoyer ici à d’innombrables liens concernant l’ethnomusicologie, d’un point de vue académique ou scientifique, car il sera facile de les trouver par d’autres moyens. Je voudrais simplement mentionner ceux proches ou lointains, qui ont accompagné mes recherches, et ont aussi pu être des sources d’inspiration.

Bernard Lortat-Jacob : http://lortajablog.free.fr
Un parcours complet dans le travail de Bernard Lortat-Jacob et ses divers “terrains” (Atlas, Sardaigne, Roumanie, Albanie, etc.). Le visiteur est conduit avec attention de page en page, et peut acquérir ainsi une vraie compétence partagée, pour son plus grand bonheur…

Jean During : ne possède pas de site web personnel, mais ses recherches en Iran et en Asie Centrale ont donné lieu à d’innombrables CD, articles, et beaux livres : on peut aller voir la page consacrée à son ouvrage Quelque chose se passe, publié chez Verdier (déjà ancien). Il publie sur Youtube de nombreuses archives audio et vidéo. Voir aussi sur le site du C.R.E.M., et encore :
http://ethnomusicologie.revues.org/1633

Marc Chemillier : http://ehess.modelisationsavoirs.fr/marc/
Ethnomusicologie, ethnomathématiques, “mathématiques naturelles” : dessins sur le sable, harpes, rythmes asymétriques, divination… Ses travaux sont passionnants, et progrès permanent : Marc est en quelque sorte un disciple de Leibniz pour qui la musique était « l’exercice caché d’une arithmétique de l’esprit ignorant qu’il compte » (musica est exercitium arithmeticae occultum nescientis se numerare animi). On trouvera ses séminaires filmés en ligne sur Dailymotion et sur Youtube.

Site de Jean Lambert, ethnomusicologie et anthropologie au Yemen : http://www.jean-lambert.com/

Ateliers d’ethnomusicologie (Genève)
Haut lieu de pratique, diffusion, conservation des musiques (dites) traditionnelles. Editeur des Cahiers de Musiques Traditionnelles, qui deviendront à partir de 2008 Cahiers d’Ethnomusicologie.

Glossaire (en cours d’élaboration)

Remarque sur la prononciation de l’alphabet turc :
ç = “tch” (comme ch anglais)
c = dj
ı = ce “i sans point” transcrit un son intermédiaire entre le i et le e (comme dans l’anglais table, qu’on transcrirait en turc teybıl !).
ş = sh (comme en anglais)
ğ = généralement après une voyelle, ne se prononce pratiquement pas mais allonge la voyelle précédente, comme dans bağlama, qui se prononce ainsi baalama
ö = comme en alllemand, se prononce eu comme dans “lieu”.
ü = comme notre u, ou le ü allemand
u = ou

aksak = en langue turque, ce mot signifie “irrégulier”, “qui cloche”, “boiteux”. Le mot est utilisé dans la classification des rythmes de la musique classique ottomane pour désigner des mètres composant des unités valant trois (ou 2+1, avec “valeur ajoutée) et des unités valant deux. Ainsi dans cette classification l’aksak par excellence est le 5 temps = 2+3, et avec lui un des plus courants est le 7 temps = 2+2+3. L’aksak à “9 temps” (2+2+2+3) est souvent considéré comme le “rythme national” en Turquie. Ce terme a valeur de concept musicologique général depuis que l’ethnomusicologue Constantin Brailoiu en a fait le sujet d’un article célèbre.

alevi = mot calqué sur l’arabe ‘alawi, qu’on pourrait traduire par “ali’iste” : il s’agit en Turquie des partisans de Ali, le premier imam, gendre du Prophète Muhammad, et son cousin, premier musulman. De nos jours ce terme regroupe tous les membres de cette vaste confrérie anatolienne qui non seulement peut être rattachée au shi’isme, mais encore professe la divinité de Ali. Leur credo mêle des éléments proprement shi’ites, un héritage du passé centrasiatique des nomades turkmènes, et d’autres éléments empruntés aux religions avec lesquelles ces nomades ont été en contact au cours de leurs migrations (gnoses manichéennes, cultes du soleil, christianisme oriental, etc.).
Les dignitaires religieux, appelés dede (mot signifiant au départ “grand-père”) font remonter leur ascendance à la famille du Prophète (et aux 12 imams).

aşık = mot d’origine arabe signifiant “amoureux”, et désignant, en Turquie et dans le Caucase, les poètes troubadours itinérants, ou officiant dans des rituels de cem.

bağlama = cf. saz

Bektaşi (ou : bektashi) = groupe apparenté aux alevi, implanté dans les Balkans. Les Bektaşi et les Alevi ont en commun le saint fondateur de l’ordre, Haci Bektaş Veli, qui vécut en Anatolie au XIIIè siècle. Ils partagent également leur credo, dans son ensemble : divinisation de ‘Ali, culte des 12 imam, etc. Mais le fonctionnement des groupes, et la classe sociale, sont distincts. On s’accorde à dire que l’alevisme, rural et “tribal”, se transmet par l’hérédité, alors que le bektashisme, plutôt urbain, est ouvert à quiconque veut s’y initier. Chez les Bektaşi, les dignitaires appelés baba sont élus par la communauté.

boğaz havası : “air de gorge”, souvent abrégé en boğaz, tout simplement. Il s’agit d’une technique de chant pratiquée par les femmes du passé, essentiellement les bergères : elles chantaient, sans parole, faisant varier la hauteur par une pression du pouce sur la glotte. De nombreux airs instrumentaux de Çameli, Hisar, et des yayla pastoraux du Taurus sont des imitations de cette technique (comme Hayri, et Akkulak l’expliquent dans les séquences de Derrière la Forêt “sur la route” et “chants de gorge”.

cem (orthographié par commodité djem dans le site) : rituel de l’unité chez les Alevi et les Bektaşi. Le rituel suit un ordre constant : invocation des imams, célébration du miraç, voyage mystique du Prophète où lui a été révélé le Coran selon les sunnites, la nature divine de ‘Ali selon les alevi ; commémoration du massacre de Kerbelâ, du martyre de l’imam Hüseyin. Durant le rituel, la danse mystique du semah est dansée plusieurs fois, le moment fort étant celui où il est raconté par l’officiant (aşık, dede) que le Prophète, durant son ascension céleste, se trouve dans l’assemblée des Quarante, — personnages qui gouvernent le monde, — et, boit le jus d’un grain de raisin pressé : alors, dans l’unité de tous, “un seul a bu et tous sont ivres”, et dansent.
Le rituel de cem n’a lieu traditionnellement qu’en hiver, dans le monde rural. Il est éventuellement précédé d’un “tribunal” où sont réglés tous les différends de la communauté, arbitrés par le dede, qui réconcilie, donne des amendes, ou même exclut certains fidèles pendant un certain temps. Selon la règle, il est impossible de commencer le rituel s’il reste encore un motif de désunion chez les participants.

Rythme : il peut paraître incongru de placer un mot si chargé d’histoire dans un tel glossaire, mais ce ne sera que pour en rappeler l’étymologie : rhythme, comme on l’écrivait au XIXè siècle ou en anglais, vient du verbe grec rhéô, “couler”. C’est à tort qu’on l’a associé au flux et au reflux, à la cadence des flots, à la périodicité, quand il faudrait s’en tenir au seul flux, au courant d’un fleuve (dans lequel, comme dit Héraclite, on n’entre jamais deux fois). Le rythme c’est d’abord le fleuve du devenir, d’Héraclite à Apollinaire, et la musique, en tant que performance, renvoie au devenir, — d’autant plus quand elle est de tradition orale, non figée sur l’espace d’une écriture. Cette étymologie devra juste ici nous rappeler que le rythme a d’abord à voir avec le processus, le mouvement de la musique, et que sa composante “périodicité” n’est qu’une de ses composantes possibles. Voir la page Mètre et rythme.

saz : (du persan) nom générique moderne des luths à long manche en Turquie. Le mot saz, en persan, a le sens très large d’instrument de musique, d’accordage, d’ensemble instrumental. En Turquie contemporaine il désigne le format standard de ce luth, qui comprend par ailleurs plusieurs tailles : du plus petit au plus grand : cura, bağlama, saz, tambura, bozuk, divan sazı, meydan sazı.

semah : dérivé de l’arabe sama’ (audition, écoute), ce mot désigne à la fois l’audition mystique de la musique, et la danse qui en dérive. Selon la grande tradition du soufisme mevlevi (de mevlana, mawlana, “notre maître” nom donné à Djelal-ed-din Rûmi, XIIIè siècle), l’audition d’un son musical (et pour Rûmi, cela va du tintement des marteaux des batteurs d’or aux musiques de toute nature) éveille dans l’âme une faculté d’audition, qui est également le ressouvenir profond de la voix originelle entendue quand les âmes, encore non incarnées, volaient dans les espaces du ciel, avant la création du monde. Même si l’alevisme, qu’on peut cataloguer parmi les ordres du soufisme populaire, n’a pas autant développé ce thème du point de vue de la théologie mystique, il repose néanmoins sur cette notion d’audition et d’ivresse, manifestées dans la danse rituelle.

turkmène : dans ces pages, ce mot désigne non pas le peuple dont l’état est le Turkménistan, mais selon l’ancien sens (cf. Turcoman), les populations nomades non sédentarisées, parlant une langue turque, et circulant, irréductibles, dans les steppes, de l’Asie centrale aux Balkans. Au Moyen-Age, ces populations étaient évidemment très mal considérées par les “hautes cultures”, en particulier persane.

yörük : nom des (semi-)nomades, ou des populations d’ascendance nomade récente en Turquie contemporaine.

zeybek : danse lente à 9 temps, généralement groupés 3.2.2.2, de l’ouest et du sud anatoliens. On la trouve dans les îles grecques sous le nom de zeïbekiko (fort prisée dans le style rebetiko). Les zeybek sont aussi des personnages de “bandits d’honneur”, très prisés dans l’ouest anatolien, comme défenseurs des droits des plus humbles face aux exactions des riches propriétaires terriens ou de l’Etat, et dont certains ont donné leur nom à l’air de danse censé les évoquer.

[Errata du livre Yayla]

Préface, p. vi, dernière ligne : “pour qui la joue, la danse ou l’écoute…”

p.39, l.2 : “ En effet, l’archéologie est omniprésente sur ce territoire, aussi bien pour le monde des savants, que…”

p.79, l.5-6 : “Dans la relation habituelle, le binôme Hayri-Hasan, on observe en fait deux comportements très différents.

p.100, note 79 : CD édité par Henri Lecomte :
[de même, p. 337, discographie : LECOMTE, H., 1996 :…]

p. 339, l. 8 : …de l’aksak”, Cahiers de Musiques Traditionnelles

Exemples vidéo mentionnés dans le livre

VIDEO 1 : [p. 92] Le sipsi en écorce de pin, çam düdüğü : Hayri Dev, Ali Durmuş Yıldırım, Hasan Yıldırım. Avril 2001, à Kapuz, le hameau de Hasan. Hayri ponctue ses morceaux de cette phrase : « Ramazan, bak oğlum, bi goyun galdı », « Ramazan, regarde, mon gars, il reste un mouton », allusion à la garde des troupeaux. Au début, préparant son hautbois, il plaisante sur la crise économique que traversait alors la Turquie.

VIDEO 2 : [p. 96] Visite à Mehmet Şakır, Hisar, 13 juillet 2003. Akkulak était déjà très malade, mais toute son énergie se réveillait au contact de son violon. Il s’éteignit en avril 2004.

VIDEO 3 : [p.101] Ramazan Güngör luthier, avril 1993 : les dernières étapes de la fabrication d’un bağlama, ou comme disait Ramazan, üçtelli kopuz. Voir vidéo 11, pour connaître Ramazan musicien.

VIDEO 4 : [p.144] Août 1991, noce au village de Kumavşarı, un village situé au centre de la « plaine d’Acıpayam ». Davul/zurna au réveil (cf. vidéo 7 pour d’autres séquences de cette même noce). Equipe de zurna de Mustafa Altıok, du village de Kozluca près de Burdur.

VIDEO 5 : [p.148] Noce à Kalınkoz, avril 2001, non loin de Taşavlu. Alternance entre extérieur et intérieur, entre tradition locale et musiques d’ailleurs (à 2:26, un « tube » égyptien).

VIDEO 6 : [p.149] Noce à Çiftlik Köyü, 28 avril 1991 : première noce à laquelle j’aie assisté, le 28 avril 1991, lors de mon tout premier séjour à Acıpayam. Il s’agit du village de Çiftlik, sur le flanc sud du Boz Dağ, non loin de chez Mehmet Akkulak. (l’indulgence du lecteur est requise : le matériel vidéo que j’utilisais lors de ce premier séjour était très médiocre).

VIDEO 7 : [p.152] Territoires de la noce : processions (trousseau, ceyiz, procession de la maison du marié à celle de son épouse, danses dans la cour de celle-ci).

VIDEO 8 : [p.157] piknik des “confrères” : Le zeybek « Ibrahim Usta » dansé par le joueur de zurna Kopuk. 1er mai 1991. Après une journée d’enregistrements au village de Gölcük (Gireniz, vallée du Dalaman), le groupe des « confrères » s’isole dans la montagne pour un piknik. Le zurnacı Kopuk Usta, une grande figure de la région, avait revêtu un costume hérité de sa famille. Au saz : Nebi Turan, venu ce jour de Denizli.

VIDEO 9 : [p.162] Un zeybek de Gireniz, Gölcük, 1er mai 1991 : au cours de la même journée de collectes, la danse d’un zeybek s’improvise dans la cour d’une maison. Le danseur en costume bleu est Ramazan Ünay, nommé aussi Aşık Ramazan (car il est poète et musicien). Une transcription du zeybek est proposée pour mettre en évidence la structure. Au zurna, Kopuk Usta

VIDEO 10 : [p.187] Taşavlu, juillet 2003 (Mehmet Genç et Zafer Dev : saz ; Hayri Dev : “gizli düdük”) : une petite réunion des meilleurs danseurs des environs. La première séquence est chorégraphiée. La seconde (à partir de 2:35), est improvisée, spontanée.

VIDEO 11 : [p. 227] Ma première rencontre avec Ramazan Güngör, pendant l’été 1991.

VIDEO 12 : [p.258] Hayri Dev, claquements de doigts

VIDEO 13 : [p. 265] Hayri Dev et l’air “Akkulak” : en 2+2+2+3, ou 3+2+2+2 ?

VIDEO 14 : [p. 279] suite d’airs au bağlama, par Hayri Dev.
N.b. : les vidéos 3, 4, 6, 7, 8, 9 et 11 on été filmées avec du matériel très moyen en 1990-1991 (caméscope 8) : l’indulgence du lecteur est donc requise…

Ethnologue / Ethnomusicologue

Publications : CD, articles

Petit exemple d’ “ethnologie participante” :
Zafer Dev, fils de Hayri, et moi concluons une soirée de l’été 2003 bien arrosée au rakı.

« … moi pressé de trouver le lieu et la formule »

(Rimbaud, Illuminations, « vagabonds »)

« Ethnomusicologie » : le mot n’est pas très joli… Pourtant, il désigne une discipline des sciences humaines dont il convient d’admirer d’abord la poésie, si sa méthode est de partir sur les routes, pour chercher “le lieu et la formule”… “Le lieu” : un pays, arrière-pays, paysage, habité par les détenteurs de “la formule” : chant, rythme, ritournelle. Selon mon expérience, c’est aussi simple que cela. Non sans un vieux rêve de saisir la musique à sa source-même, qui serait plus accessible, immédiate, dans des mondes restreints et de pure oralité. Ni cet autre rêve, d’approcher des communautés, small communities as a human whole (R. Redfield), ou une « société contre l’état » (P. Clastres). L’ethnologie, l’ethnomusicologie : disciplines qui n’existent que dans et par le temps. Il faut plusieurs longs séjours, ou de nombreux allers-retours, et ce qu’on nomme le “terrain” est avant tout une histoire commune, conduite par la musique : un devenir, de fortes amitiés…
Le mouvement premier est sans doute ressenti comme un appel : le chercheur, ou celui qui le deviendra, est happé, saisi par quelque chose d’inouï, comme pour moi le zeybek joué par Talip Özkan ou les airs formulaires de Hayri Dev. Au fil du temps et des voyages, le monde, si “local” soit-il, se construit autour de la musique, par elle, à travers elle. Et même si la démarche analytique qui s’ensuit est la part la plus visible, et sans nul doute passionnante, du travail, elle est la trace objective d’un événement inénarrable, d’une rencontre : les sujets, “l’un” et “l’autre”, composent ensemble grâce à la musique leur histoire commune, un devenir qui emporte le chercheur en même temps que son “terrain”, — hommes et musique, là-même où ils vivent. En ce sens, “rythme” est un concept-clé dans mon travail, puisque non seulement il désigne la vie même de la musique, mais son étymologie (le “flux”) renvoie au devenir (« Πάντα ῥεῖ καὶ οὐδὲν μένει, tout s’écoule et rien ne demeure », Héraclite d’Ephèse). Le rythme est à la fois l’affirmation du devenir, et l’élément le plus autochtone des musiques qu’étudie l’ethnomusicologie. Et celle-ci se fait “géomusicologie”, pour sa relation constante aux territoires musicaux.

Profession : ethnomusicologue. Pas l’ombre d’un doute, c’est un très grand privilège, par les temps qui courent…
J’exerce pour ma part les fonctions de maître de conférences à la Faculté de lettres de Sorbonne-Université, et suis chercheur à l’IREMUS, institut de Recherche en Musicologie (CNRS). Je tiens à rendre hommage à ma toute première équipe de chercheur, le « Département d’Ethnomusicologie du Musée de l’Homme », que dirigeait alors Bernard Lortat-Jacob, et au département d’ethnologie de l’université de Nanterre, alors dirigé par Eric de Dampierre. Ces deux lieux m’ont donné une seconde formation, et de grandes joies, après mon premier apprentissage des lettres classiques.

Publications de CD

La publication d’un « CD de terrain » est un travail lent et patient. La plupart des CD que j’ai publiés sont le fruit de nombreuses années d’enregistrements.

Terrain des « yayla » : un aperçu très complet a paru sous la forme de 4 CD chez Ocora Radio-France :


Un CD monographique, anthologique, très complet est sorti en Turquie (février 2007) :
Yayla : Gireniz ve Masit Havalari

Kalan Müzik (395)


De mon deuxième grand « terrain » en Turquie, Abdal Musa, voir sur ce site la page consacrée au CD : Turquie : Cérémonie de djem bektashi, Ocora-Radio-France, C 560248

D’unséjour en Bulgarie (avril 2008), sur la piste de la vièle gadulka, en compagnie de Dimitar Gougov, est né ce CD publié par le Musée d’ethnographie de Genève :


J’ai également participé à la confection de 3 autres CD, comme rédacteur du livret :
 Turquie : Talip Özkan, l’art du tanbûr. Ocora-Radio France C560042 (Direction
artistique, et livret de 10 pages), 1994.
 Turquie : Chants sacrés d’Anatolie. Ashik Feyzullah Tchinar.
Ocora-Radio France
(en collaboration avec Jean During et Irène Mélokoff), C580057.
 Turquie : cérémonie de “Djem” alevi, 
OCORA-Radio-France.(en collaboration avec Jean During et Irène Mélokoff), Ref. C560125


Un petit livre d’introduction générale à l’univers musical de la Turquie :
Musiques de Turquie, coll. Actes-Sud/Cité de la Musique, Arles, 2000


Enfin, le livre Yayla (2011) : voir la page livre

Articles à télécharger

  • I. RYTHME :

“Pour une théorie du rythme aksak”
Revue de Musicologie, T. 80, 2 (1994)


in : Blanquis, I. Méchin, C., Le Breton D., ed. : Anthropologie du sensoriel,
l’Harmattan, 1998


Aksak et clave : article écrit avec Jean-Pierre Estival
(Cahiers de Musiques traditionnelles vol. 10 “Rythmes”, 1997)


“Rhythmos, skhèma : pour une typologie des rythmes en tradition orale”.

in : Christian Doumet et Aliocha Wald Lasovski, ed. : Rythmes de l’homme, rythmes du monde,
Hermann, Paris 2010


  • II. ETHNOMUSICOLOGIE, GEOMUSICOLOGIE

“Paysages musicaux : une approche ethnomusicologique”, in : Ktêma, n°24, Strasbourg 1999


“Musiques mineures”
Cahiers d’ethnomusicologie, 2007, n°20


“Anti-pathos”
in : Cahiers d’ethnomusicologie 2010, n°23


“L’inouï dans une musique de tradition orale”
Paru dans : Claire Kappler, Roger Grozelier, Ed. : L’inspiration, le souffle créateur dans les arts, littératures et mystiques du Moyen Age européen et proche oriental, L’Harmattan , 2006


« Le Terrain et son interprétation »
in : J. Viret, ed. Approches herméneutiques de la musique, Strasbourg, 2001


Temps vécu et temps musical
Paru dans : François Georgeon, Frédéric Hitzel, Ed. :
Le temps Ottoman, Brill, Leiden, 2011, pp. 343-370


  • III. HOMMAGES

“Pays de danseurs, de rythmes boiteux”, hommage à Gilles Deleuze
(publié par André Bernold et Richard Pinhas dans Deleuze épars, Hermann 2005
Talip Özkan, 1939-2010

Hommage à Talip Özkan, “Les routes d’Acıpayam. In memoriam Talip Özkan (1939-2010)”, Cahiers d’ethnomusicologie, 23 | 2010, 249-256.

  • IV. « TERRAIN » À TEKKE KÖYÜ

Dossier de la revue TURCICA

Textes et Articles

I. RYTHME :

“Pour une théorie du rythme aksak”
Revue de Musicologie, T. 80, 2 (1994)


in : Blanquis, I. Méchin, C., Le Breton D., ed. : Anthropologie du sensoriel,
l’Harmattan, 1998


Aksak et clave : article écrit avec Jean-Pierre Estival
(Cahiers de Musiques traditionnelles vol. 10 “Rythmes”, 1997)


“Rhythmos, skhèma : pour une typologie des rythmes en tradition orale”.

in : Christian Doumet et Aliocha Wald Lasovski, ed. : Rythmes de l’homme, rythmes du monde,
Hermann, Paris 2010


II. PRATIQUES MINEURES, GEOMUSICOLOGIE

“Paysages musicaux : une approche ethnomusicologique”, in : Ktêma, n°24, Strasbourg 1999


“Musiques mineures”
Cahiers d’ethnomusicologie, 2007, n°20


“Anti-pathos”
in : Cahiers d’ethnomusicologie 2010, n°23


“L’inouï dans une musique de tradition orale”
Paru dans : Claire Kappler, Roger Grozelier, Ed. : L’inspiration, le souffle créateur dans les arts, littératures et mystiques du Moyen Age européen et proche oriental, L’Harmattan , 2006


« Le Terrain et son interprétation »
in : J. Viret, ed. Approches herméneutiques de la musique, Strasbourg, 2001


Temps vécu et temps musical
Paru dans : François Georgeon, Frédéric Hitzel, Ed. :
Le temps Ottoman, Brill, Leiden, 2011, pp. 343-370


III. HOMMAGES

“Pays de danseurs, de rythmes boiteux”, hommage à Gilles Deleuze
(publié par André Bernold et Richard Pinhas dans Deleuze épars, Hermann 2005
Talip Özkan, 1939-2010

Derrière la forêt / Ormanın arkasında / Beyond the forest (1999)

Film réalisé par Gulya Mirzoeva.
Auteurs : Jérôme Cler et Gulya Mirzoeva
35 mm, 75 min.
Production Les Films de l’Observatoire / E-motion picture Baden-Baden / ZDF-Das kleine Fernsehspiel pour ARTE

Prix du Public, Festival International du Film Documentaire “Vue sur les Docs”,, Marseille 1999.
Grand Prix de la Semaine du documentaire européen de création, Strasbourg (France) 1999.
Mention du Jury du festival de Gentilly (France) les Écrans Documentaires, 1999.

Ce film a été tourné en super-16 au printemps (première scène) et à l’automne 1998 (reste du film), entre Çameli, Acıpayam, Hisar : l’argument en est simple, Hayri Dev décide de rendre visite à son vieil ami violoniste Akkulak, pour revenir avec lui dans son village ressusciter l’esprit des fêtes de leur jeunesse, qu’il appelle yaranlık, du beau mot persan yâr, l’ami, le bien-aimé. Cela a donné un petit “road-movie” paysan, à travers les paysages somptueux des yayla, parsemé d’épisodes où se reflète cet univers des “Turkmènes de l’ouest”…

This film was realized in Super-16 in Fall 1998, between Çameli, Acıpayam, Hisar : the story is simple, Hayri Dev decides to go visit his old friend and violinist Akkulak, for coming back with him in his village and for bringing back the spirit of the festivities of their youth, called yaranlink (from the beautiful Persian word yâr, meaning friend or beloved one). This ended in a small countryman’s “road-movie” through magnificent yayla landscapes, sprinkled with episodes reflecting this universe of the “Western Turkomen”…