Quand on venait à Fethiye rendre visite à Ramazan Güngör, il fallait d’abord accéder au cœur de la vieille ville, seul quartier épargné par le grand tremblement de terre de 1957. Là, tous les commerces sont voués au tourisme, marchands de souvenirs et petites places aménagées en terrasses où le soir est servie de la variété orientale pour touristes, mêlée de sirtaki et de pop-musique turque… Il fallait donc être averti pour trouver la maisonnette de 10 à 15 m2 où habitait Ramazan, située juste derrière les cuisines d’un grand café, près d’un petit bassin où pataugeaient quelques canards. Et quand la fraîcheur venait le soir, on pouvait trouver Ramazan assis sur un banc près de sa maison : à 25 ans, travaillant comme charpentier, il s’était cassé les deux jambes en tombant d’un toit. Mal soigné après cet accident, il resta infirme à vie, ne pouvant marcher sans béquilles, de sorte que tout le monde le connaissait comme « Topal Ramazan », Ramazan le Boiteux, et qu’il dut limiter son goût pour le travail du bois à la fabrication des plus petits luths d’Anatolie, et à la réparation des saz qu’on lui apportait…
Sa maison d’une seule pièce lui tenait lieu à la fois d’habitation, et d’atelier de lutherie. Il vivait là dans une misère totale, en fort contraste avec le luxe touristique environnant, qui ne le traitait pas avec bienveillance… Contraste analogue à celui, violent, existant entre son minuscule luth au son ténu, et la puissance des sonos à l’entour.
Ramazan était célèbre dans le monde académique des musiciens de conservatoires, et folkloristes de la radio, comme l’ultime grand maître du üçtelli bağlama, celui par excellence auprès de qui il était encore possible d’apprendre les techniques oubliées.
Il est décédé en 2004.
>Pour écouter et voir Ramazan Güngör, tel qu’en lui-même dans les années 90-2000