Publications : CD, articles
Petit exemple d’ “ethnologie participante” :
Zafer Dev, fils de Hayri, et moi concluons une soirée de l’été 2003 bien arrosée au rakı.
« … moi pressé de trouver le lieu et la formule »
(Rimbaud, Illuminations, « vagabonds »)
« Ethnomusicologie » : le mot n’est pas très joli… Pourtant, il désigne une discipline des sciences humaines dont il convient d’admirer d’abord la poésie, si sa méthode est de partir sur les routes, pour chercher “le lieu et la formule”… “Le lieu” : un pays, arrière-pays, paysage, habité par les détenteurs de “la formule” : chant, rythme, ritournelle. Selon mon expérience, c’est aussi simple que cela. Non sans un vieux rêve de saisir la musique à sa source-même, qui serait plus accessible, immédiate, dans des mondes restreints et de pure oralité. Ni cet autre rêve, d’approcher des communautés, small communities as a human whole (R. Redfield), ou une « société contre l’état » (P. Clastres). L’ethnologie, l’ethnomusicologie : disciplines qui n’existent que dans et par le temps. Il faut plusieurs longs séjours, ou de nombreux allers-retours, et ce qu’on nomme le “terrain” est avant tout une histoire commune, conduite par la musique : un devenir, de fortes amitiés…
Le mouvement premier est sans doute ressenti comme un appel : le chercheur, ou celui qui le deviendra, est happé, saisi par quelque chose d’inouï, comme pour moi le zeybek joué par Talip Özkan ou les airs formulaires de Hayri Dev. Au fil du temps et des voyages, le monde, si “local” soit-il, se construit autour de la musique, par elle, à travers elle. Et même si la démarche analytique qui s’ensuit est la part la plus visible, et sans nul doute passionnante, du travail, elle est la trace objective d’un événement inénarrable, d’une rencontre : les sujets, “l’un” et “l’autre”, composent ensemble grâce à la musique leur histoire commune, un devenir qui emporte le chercheur en même temps que son “terrain”, — hommes et musique, là-même où ils vivent. En ce sens, “rythme” est un concept-clé dans mon travail, puisque non seulement il désigne la vie même de la musique, mais son étymologie (le “flux”) renvoie au devenir (« Πάντα ῥεῖ καὶ οὐδὲν μένει, tout s’écoule et rien ne demeure », Héraclite d’Ephèse). Le rythme est à la fois l’affirmation du devenir, et l’élément le plus autochtone des musiques qu’étudie l’ethnomusicologie. Et celle-ci se fait “géomusicologie”, pour sa relation constante aux territoires musicaux.
Profession : ethnomusicologue. Pas l’ombre d’un doute, c’est un très grand privilège, par les temps qui courent…
J’exerce pour ma part les fonctions de maître de conférences à la Faculté de lettres de Sorbonne-Université, et suis chercheur à l’IREMUS, institut de Recherche en Musicologie (CNRS). Je tiens à rendre hommage à ma toute première équipe de chercheur, le « Département d’Ethnomusicologie du Musée de l’Homme », que dirigeait alors Bernard Lortat-Jacob, et au département d’ethnologie de l’université de Nanterre, alors dirigé par Eric de Dampierre. Ces deux lieux m’ont donné une seconde formation, et de grandes joies, après mon premier apprentissage des lettres classiques.
Publications de CD
La publication d’un « CD de terrain » est un travail lent et patient. La plupart des CD que j’ai publiés sont le fruit de nombreuses années d’enregistrements.
Terrain des « yayla » : un aperçu très complet a paru sous la forme de 4 CD chez Ocora Radio-France :
Un CD monographique, anthologique, très complet est sorti en Turquie (février 2007) :
Yayla : Gireniz ve Masit Havalari
Kalan Müzik (395)
De mon deuxième grand « terrain » en Turquie, Abdal Musa, voir sur ce site la page consacrée au CD : Turquie : Cérémonie de djem bektashi, Ocora-Radio-France, C 560248
D’unséjour en Bulgarie (avril 2008), sur la piste de la vièle gadulka, en compagnie de Dimitar Gougov, est né ce CD publié par le Musée d’ethnographie de Genève :
J’ai également participé à la confection de 3 autres CD, comme rédacteur du livret :
Turquie : Talip Özkan, l’art du tanbûr. Ocora-Radio France C560042 (Direction
artistique, et livret de 10 pages), 1994.
Turquie : Chants sacrés d’Anatolie. Ashik Feyzullah Tchinar. Ocora-Radio France
(en collaboration avec Jean During et Irène Mélokoff), C580057.
Turquie : cérémonie de “Djem” alevi, OCORA-Radio-France.(en collaboration avec Jean During et Irène Mélokoff), Ref. C560125
Un petit livre d’introduction générale à l’univers musical de la Turquie :
Musiques de Turquie, coll. Actes-Sud/Cité de la Musique, Arles, 2000
Enfin, le livre Yayla (2011) : voir la page livre
Articles à télécharger
- I. RYTHME :
“Pour une théorie du rythme aksak”
Revue de Musicologie, T. 80, 2 (1994)
in : Blanquis, I. Méchin, C., Le Breton D., ed. : Anthropologie du sensoriel,
l’Harmattan, 1998
Aksak et clave : article écrit avec Jean-Pierre Estival
(Cahiers de Musiques traditionnelles vol. 10 “Rythmes”, 1997)
“Rhythmos, skhèma : pour une typologie des rythmes en tradition orale”.
in : Christian Doumet et Aliocha Wald Lasovski, ed. : Rythmes de l’homme, rythmes du monde,
Hermann, Paris 2010
- II. ETHNOMUSICOLOGIE, GEOMUSICOLOGIE
“Paysages musicaux : une approche ethnomusicologique”, in : Ktêma, n°24, Strasbourg 1999
“Musiques mineures”
Cahiers d’ethnomusicologie, 2007, n°20
“Anti-pathos”
in : Cahiers d’ethnomusicologie 2010, n°23
“L’inouï dans une musique de tradition orale”
Paru dans : Claire Kappler, Roger Grozelier, Ed. : L’inspiration, le souffle créateur dans les arts, littératures et mystiques du Moyen Age européen et proche oriental, L’Harmattan , 2006
« Le Terrain et son interprétation »
in : J. Viret, ed. Approches herméneutiques de la musique, Strasbourg, 2001
Temps vécu et temps musical
Paru dans : François Georgeon, Frédéric Hitzel, Ed. :
Le temps Ottoman, Brill, Leiden, 2011, pp. 343-370
- III. HOMMAGES
“Pays de danseurs, de rythmes boiteux”, hommage à Gilles Deleuze
(publié par André Bernold et Richard Pinhas dans Deleuze épars, Hermann 2005
Talip Özkan, 1939-2010
Hommage à Talip Özkan, “Les routes d’Acıpayam. In memoriam Talip Özkan (1939-2010)”, Cahiers d’ethnomusicologie, 23 | 2010, 249-256.
- IV. « TERRAIN » À TEKKE KÖYÜ